Y a-t-il un auteur dans la salle ?

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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le monde de l’édition sans jamais oser le demander ! Un livre d’humour où vous allez croiser Frédéric Dard, Voltaire, Zola, Jésus Christ, Molière… dans le bureau d’un éditeur indépendant !

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Description

Un roman de
Georges Grard , Bernard Esposito et Anne Pilot-Fallet 132 pages

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le monde de l’édition sans jamais oser le demander !
Julien Prouesse est un collégien de 3ème qui réalise son stage d’entreprise aux éditions Granier, un éditeur indépendant. C’est un Jacques Granier déprimé que Julien rencontre le premier jour de stage. Il lui explique les difficultés du métier avec une diffusion-distribution qui vampirise et des médias à la solde des gros bras de l’édition. Pourtant, l’homme veut relancer la machine et a convoqué les jours suivants tous les grands auteurs afin de choisir celui qui deviendra le fer de lance de la reconquête. Julien va assister aux entretiens entre Jacques Granier et ces auteurs… De Jésus-Christ à Delerm en passant par Molière, Frédéric Dard, Proust, Céline, Hugo, Wells, Vernes… et même Steevy Boulay !

Anne Pilot-Fallet, professeur de lettres, Bernard Esposito, romancier et Georges Grard, auteur-scénariste et éditeur nous régalent d’un roman jubilatoire et, malheureusement terriblement vrai dans la description du monde de l’édition. C’est drôle, enlevé, savant, original…

Les 4 premières pages:

Je m’appelle Julien Prouesse.
Et pour moi, tout a vraiment commencé, il y a un an …
J’étais un simple collégien de troisième fou de musique et
de pâtisseries. Pour mon stage en entreprise, j’avais eu les pires
difficultés à obtenir une semaine d’observation aux Éditions
Granier.
Par chance, maman connaissait bien Madame Fur, la coiffeuse du
Centre Commercial dont la tante était la proche collaboratrice de
Jacques Granier, le gérant et fondateur de cette honorable maison.
Bien sûr, ce n ’était pas mon premier choix. J’aurais préféré une
entreprise prestigieuse de maison de disques ou une boulangerie …
Mais, c’était ainsi … Granier Éditions avait quand même une ligne
éditoriale connue et reconnue au niveau national, et l’idée même
de me retrouver dans l’antre d’un éditeur ne me déplaisait pas.
Granier n’était pas du menu fretin … Il devait sa réussite éclair
à l’un de ses premiers ouvrages qui avait bénéficié ,reconnaissait-
il volontiers, de circonstances « favorables » et exceptionnelles.
Granier avait en effet sorti une biographie d’Oussama Ben Laden
le mercredi 13 septembre 2001, livre qui s’était vendu aussitôt à
plus de deux millions d’exemplaires à travers le monde …
Fort de ce succès inattendu, il avait développé sa boîte autour de
livres de confessions si chers à la ménagère et de quelques romans
dans l’air du temps.
— Finalement, commencer par un best-seller est dangereux,
me confia-t-il lors de notre premier entretien. On croit qu’on a
la bonne formule, la bonne fortune, et que le système qui nous
a lancés va favoriser notre essor durablement … Mais ensuite, j’ai
fait de tout et du n’importe quoi ! Aujourd’hui, jeune homme, la
situation est critique. On est mal, mal, mal, mal !
Il m’avait alors dressé un tableau apocalyptique du monde de
l’édition.
— Plus de 65 000 titres par an ! C’est proprement hallucinant !
Presque 5000 bandes dessinées, 10 000 livres jeunesse et, à chaque
rentrée littéraire, ils nous en ont collé une nouvelle en février, près
de 800 romans, qui dit mieux ! D’autant que les ventes ne sont pas
exponentielles ! Les gros éditeurs inondent les libraires de leurs
productions, avant de les couler définitivement. Les pauvres sont
noyés « d’offices » obligatoires. On me dit qu’éditer un ouvrage,
c’est jouer au loto. Qu’il faut tirer le bon numéro ! C’est une vision
fort naïve, car les jeux sont pipés d’avance ; beaucoup d’entre nous
n’ont pas – et n’auront jamais – le numéro complémentaire et
indispensable pour toucher le pactole. Le système est monopolisé
par Vachette et Elitis qui squattent les vitrines et les têtes de
gondole des librairies et des grandes surfaces. À eux deux, c’est
presque 80% du chiffre d’affaire global.
— Ils ne sont que deux et …
— Pas tout à fait. On peut y rajouter l’empire De La Marinière et
sa compagnie de Moules. Bonjour l’indigestion ! Et il ne nous reste
à nous, les indépendants, que les miettes du gâteau. Désormais, ce
n’est pas la pépite qu’il nous faut trouver, mais le lingot ! Et les
médias qui appartiennent à ces grands groupes ne nous favoriseront
pas la tâche. Les journalistes nationaux ne s’intéressent qu’aux
poulains des gros bras de l’édition et aux avantages qu’ils peuvent
en tirer. Les « régionaux » sont un peu plus curieux … et s’égarent,
parfois, hors des sentiers battus.
— Vous pourriez passer à la télé ? Osais-je.
— Mais, observez : ce sont toujours les mêmes qui passent sur
les ondes et les écrans, les fils de …, les copains de …, les De …
Aujourd ’hui, la mode est de laver son linge sale en public puis de
le faire sécher en librairie ! Et le public suit … avide. Tellement que
les cerveaux tournent à vide …
— Mais vous-même, vous avez participé à ce mouvement !
Avais-je avancé timidement.
— Je ne suis pas un vertueux, mais un pragmatique ; et c’est
ce qui fait que je résiste depuis des années … Le problème est de
savoir jusqu’à quand ?
— Il y a danger ?
— Mon petit, le livre est d’abord un produit de l’esprit, mais il
est ensuite, et surtout, un produit marchand. Dans nos sociétés, la
culture est une autoroute qui manque d’aires … et les chemins de
traverse ne sont bons que pour les intellos et les candides ! Depuis
que les « stars », comme on les appelle, ont fait une incursion réussie
sur les gondoles … Imaginez qu’en 2006, c’est une actrice de série
tv qui fut l’une des meilleures ventes de l’année avec la rémission de
son cancer ! … Tout le monde veut écrire ! Du prof de gym à l’agent
immobilier ! Et sur tout … Ses problèmes de couple, de drogues,
de furoncles … Des pseudos éditeurs l’ont bien compris, ça fleurit
de partout en ce moment ! Ca édite à tour de bras sur le dos de ces
apprentis-auteurs qui paient la note ! « Ca vous coûtera 3000 euros
pour 500 exemplaires ! ». Bien vu, Messieurs de « Ecrits-book »
et autres « Société des Plumitifs », vous avez tout compris ! Vous
gagnez avant que le jeu ne commence ! Il est vrai que mieux vaut
s’attaquer à la source qu’au torrent !
— Mais vous …
— Quoi moi ? J’ai,malgré quelques errements et les attaques
que j’ai subies de cette grande et belle famille qu’est l’édition, une
éthique ! C’est un mot galvaudé de nos jours … pourtant, j’estime
que dans la Maison du Livre, il est important d’associer l’auteur,
celui qui crée, à l’éditeur, celui qui investit. Sinon, tout s’effondre !
Ces éditeurs ne spéculent pas sur le talent ni sur le goût du public
comme je peux le faire. Ils n’ont aucune ambition et ne visent
qu’un retour immédiat sur investissement ! Ils ne construisent que
des cabanes de paille … Aussi taudis, aussitôt fait ! Du gagne-petit
mais, hélas, du gagne terrain !
Et le terrain, ça le connaissait Granier !
— C’est grâce aux organisateurs de salons et manifestations
que nous pouvons vivre aujourd’hui. Et grand merci à eux ! Je
ne vous parle pas de ces grands supermarchés du livre que sont
Angoulême, Paris ou Montreuil où le prix du linéaire est prohibitif.
Je vous parle, jeune homme, des salons à taille humaine comme
ceux de Contrexeville, Montargis, Merlieux, Blois, Sartrouville,
Crépières … et j’en oublie … Ceux organisés avec passion et savoir-
faire par des « mordus » du livre, le plus souvent bénévoles !
Il fit une pause, puis il conclut :
— On va stopper là ce débat sans fin. Je vous attends lundi
prochain … Au fait, j’ai bien aimé votre lettre de motivation ! Vous
avez du style …
Une lettre que j’avais écrite sur les conseils avisés de maman. J’y
détaillais une passion démesurée pour la littérature, et mon désir
de participer un jour à la grande aventure de l’édition, flattant au
passage Jacques Granier pour son action et son sens aiguisé des
mots et des affaires. Enfin, les flagorneries habituelles !
Tant mieux s’il aimait mon style …